À Montauban, l’association Pré en Bulles, qui porte l’ACI Les Jardins Montalbanais, a expérimenté fin 2024 aux côtés d’une autre SIAE, Montauban Services, un dispositif inédit de « SAS IAE », imaginé pour celles et ceux qui ne sont pas en mesure d’entrer directement en parcours d’insertion par l’activité économique et co-financé DDETS-PP et FSE.
Cette première session, démarrée fin 2024, a rassemblé 17 participant.e.s, avec une majorité de femmes, d’allocataires du RSA et âgé.e.s de 40 ans et plus. Le profil dit tout : 82 % sans formation, 76 % sans expérience significative, la moitié maîtrisant peu ou prou le français, et une majorité cumulant au moins trois freins. Il accompagne en première intention des personnes en grande précarité, parfois désocialisées, dont les freins cumulés rendaient jusque-là impossible un parcours d’insertion classique.
L’accompagnement se fait à la carte, c’est-à-dire de façon personnalisée, à travers des ateliers (mobilité, numérique, sport, estime de soi dont médiation animale, parcours emploi, etc.) et des PMSMP. La plupart de ces 17 personnes poursuivent actuellement leur accompagnement pour 9 sorties dont 3 abandons, 2 départs e formation FLE, 3 embauches en SIAE et 1 embauche en conventionnel.
Dès la première session, ce sas a révélé jouer un rôle protecteur. Il évite de mettre en échec des bénéficiaires trop fragilisé.e.s et soulage ainsi les équipes d’accompagnement des difficultés liées à l’implication dans un parcours IAE trop exigeant à ce stade. L’initiative a aussi permis de créer du lien social entre pair.e.s, d’ouvrir des premières portes vers l’emploi à travers des PMSMP et de valider l’utilité d’un espace où l’on reprend progressivement confiance en ses capacités et envers autrui.
Ce SAS IAE peut aussi être un tremplin direct vers l’emploi conventionnel, effet plutôt inattendu, du moins inespéré au départ. Finalement, le plus important n’est pas tant d’accueillir avant un parcours IAE mais d’accueillir « façon IAE ». Excellente philosophie et offre d’accompagnement intéressante à considérer pour proposer les 15h d’activités aux allocataires du RSA.
Cependant le SAS IAE peine à répondre aux besoins des personnes qui ne maîtrisent pas le français, pourtant nombreuses. Faute d’offre suffisante de formation FLE sur le territoire, elles restent « recalées », parfois reléguées à une liste d’attente qui s’étire sur plusieurs mois. Le besoin d’offrir un premier accompagnement pour les personnes les plus éloignées de l’emploi, même dans l’IAE, a révélé un besoin de formation FLE à visée d’insertion socio-professionnelle, qui s’entête à rester sans réponse rapide et adaptée sur le territoire.
Ce qui ressort aussi, c’est que ce sas repose sur une coordination territoriale exigeante. Les CIP doivent non seulement accompagner individuellement les personnes, mais aussi faire intervenir des partenaires directement impliqués dans les contenus (CPAM pour l’atelier nutrition, la DDETS-PP pour le droit du travail), mobiliser les SIAE et les autres entreprises pour les PMSMP et s’assurer d’un sourcing adéquat du public-cible en étroite collaboration avec France Travail de qui elles ont pris le relais pour l’entretien de premier contact.
L’équipe du Pré en Bulles et ses partenaires ont déjà ajusté leur dispositif pour la deuxième session : moins de malentendus sur la logique « à la carte », plus de clarté sur l’engagement attendu, une meilleure articulation entre les ateliers et les temps de mise en situation professionnelle. Une CIP du Pré en Bulles se forme même aux bases de la didactique du FLE, sans prétendre se substituer aux organismes de formation, mais pour faciliter l’accompagnement de personnes peu francophones.
En somme, le SAS IAE du Pré en Bulles a validé sa pertinence et prouvé qu’il y avait priorité à imaginer des espaces de transition pour un public fragilisé, qu’on ne peut ni ignorer ni précipiter dans un parcours voué à l’échec. Mais il a aussi mis en lumière d’autres angles morts du système, au premier rang desquels l’accès au FLE. Reste à savoir si cette innovation locale sera suivie et consolidée par des moyens pérennes, à la hauteur de ce qu’elle révèle comme besoins et de ce qu’elle amorce comme réponse pertinente.